niokolo
2018: Entrée de la base de commandement, Tambacounda, Sénégal.
fond
20h dans la peau de criminels ...
Jeudi 27 Décembre 2018
 En quittant Dindefelo, nous étions avertis: il reste environ 50km de très mauvaise piste entre Kedougou et le Parc. Et effectivement, nous avons essuyé 50km de tôle ondulée très poussiéreuse peuplée de camions fous qui roulent à tombeaux-ouverts, soulevant d'énormes nuages de poussière sur leur passage. La piste ne se laisse pas faire, et se transforme parfois réellement en tombeau pour ces conducteurs, en témoignent l'abondance des carcasses de camions renversés ... Après ces heures assez harassantes en plein cagnât, nous nous arrêtons pour nous reposer sur l'un des premier pull-out (carrière) rencontré, une fois le poste des rangers du parc dépassé.
Vers 9h30, alors que nous sommes en train de coucher les enfants, un véhicule arrive et 3 hommes en descendent et exigent nos papiers.
S'ensuivent environ 1h d'âpres discussions où les 3 hommes assez agressifs (et grossiers) tentent de nous intimider (l'un d'entre eux dirige son arme vers nous) et ordonnent à Olivier de descendre du véhicule, ce que nous refusons. Ils claironnent que nous sommes en infraction pour séjour illégal dans le parc national de Niokolo. Nous sommes surpris de cette affirmation puisque nous avons dépassé le poste des rangers, et qu'absolument aucun panneau ou indication n'indique de restriction liée au lieu où nous nous trouvons. Ils veulent que nous les suivions au poste situé environ 18km plus au Sud car il est strictement interdit de s'arrêter dans le parc (quid alors des nombreux camions renversés ou en panne ???). Nous plaidons notre bonne foi et argumentons que nous nous trouvons au bord de la route, non dissimulés et que quitter les lieux ne nous pose pas de problème. Ils refusent catégoriquement, nous barrent le passage avec leur pick-up et finissent par appeler leur "capitaine". Celui-ci, beaucoup plus posé et poli nous confirme que ce sont des rangers (malgré leurs tenues civiles) et qu'il faut obtempérer. Nous refusons et proposons en revanche de nous rendre au bureau du capitaine pour pouvoir discuter directement avec lui, au calme. Ils finissent par accepter et nous escortent de près vers Tambacounda située 120km plus au Nord. Il nous faudra 3h pour nous y rendre et nous arrivons au poste de commandement vers 2h15 du matin. Là le capitaine arrive assez rapidement et nous convie dans une salle de réunion afin de discuter du problème.
Contre toute attente, le capitaine approuve son "lieutenant" et appuie notre "infraction" grave. Après 30min d'explications vaines et visiblement aucunement convaincus par notre bonne foi, le capitaine nous laisse le choix entre "payer les réparations pour l'infraction commise" (aggravée par notre refus d’obtempérer) ou bien, si nous refusons de payer, "saisir le procureur". Il est près de 3h, nous programmons une prochaine réunion le lendemain matin à 7h30 avec le capitaine. Las et complètement désabusés, nous retrouvons notre Pitufo pour une très brève nuit bruyante (cacophonie de muezzins de 4h30 à 6h du matin) et stressante. Le lendemain, à 7h30: personne, 8h: personne, 9h: personne. Nous faisons manger les enfants qui ont eux, passé une bonne nuit. À 10h, un haut gradé (comme en témoignent ses épaulettes) vient nous saluer poliment et s'enquiert de notre nuit et notre séjour au Sénégal. Il est charmant et nous indique qu'il n'y a pas de problème et nous souhaite un excellent séjour dans son pays ainsi qu'un "bon voyage". Nous sommes surpris, mais on se dit que comme bien souvent en Afrique, les choses s'arrangent d'elles-même et que ce brave commandant a résolu cet imbroglio. Nous quittons alors le camp en prenant soin de saluer tout le monde, et surtout remercier le commandant et prenons la route vers Dakar. Nous faisons également le plein avant de partir, ne sachant pas trop si les stations-services abondent. Au troisième check-point (soit environ à 50 km de Toumbacounda), le policier nous indique qu'il a reçu un appel du capitaine des rangers et que nous devons l'attendre ici, "il y a un contentieux non réglé en souffrance"
Pendant plus d'1h nous avons le loisir de bien observer le système de corruption officiel et implacable mis en place: Le policier siffle le camion (pas les véhicules particuliers), demande les papiers qui sont déjà tendus par la main du chauffeur, les observe rapidement, rend les papiers pendant que l'autre main glisse nonchalamment le billet (miraculeusement apparu), dans la poche du pantalon ... Efficace !
Enfin un pick-up avec 3 rangers arrive et nous demandent de retourner à la base de Tambacounda ... Grrrr ! Encore une autre heure de route ! Nous avons beau expliquer que c'est le commandant lui-même qui nous a souhaité "bon voyage", rien n'y fait, surtout que le fameux "commandant" vient d'un autre secteur et n'était pas au courant de notre affaire. Oups ! Donc à l'infraction de "séjour illégal" déjà aggravée du "refus d'obtempérer" vient désormais s'ajouter le "délit de fuite" ... Notre compte est bon ...
Nous arrivons la tête basse au camp où un militaire nous indique le bureau du capitaine. Celui-ci nous accueille chaleureusement, presque guilleret et nous demande si nous avons fait bonne route ???  Rapidement, il nous explique qu'il a suspecté "une fuite" de notre part, mais visiblement a dû être informé de notre discussion avec le commandant et s'empresse d'évoquer des "malentendus". Il s'excuse car le lieutenant qui doit gérer notre "contentieux" vient de s'absenter pour sa pause du midi, il ne revient qu'à 15h ... Il va nous falloir patienter encore, mais finalement pas très longtemps puisqu'il est déjà 14h ... Bref, nous prenons aussi un repas, décontenancés mais rassurés par ce revirement de comportement. À 15h précises, le capitaine nous reçoit à nouveau et s'explique cette fois clairement sur le sujet: Il y a une infraction bien réelle de notre part: le stationnement illégal dans le parc national. Toutefois, en l'absence de panneau ou d'indication claire des limites dudit parc et du manquement des rangers lors de notre halte à leur poste (ils auraient dû nous enregistrer), cette infraction est pardonnée (et notre bonne foi reconnue) et ne justifie pas de dédommagement financier. Concernant le refus d'obtempérer, l'impossibilité d'identification de personnel en civil et le fait que nous nous soyons rendus de notre plein gré au poste de commandement résout également le préjudice. Enfin en ce qui concerne le délit de fuite, il s'agit d'un simple malentendu. Bref, il nous faut toutefois déposer individuellement devant le lieutenant qui vient d'arriver, afin de clôturer le dossier et que nous puissions repartir en "bons amis". Le capitaine est cordial et très sympathique, nous acceptons de bon cœur de remplir cette formalité. Et 1h plus tard, nous pouvons officiellement prendre congé et poursuivre "un agréable séjour" au Sénégal.
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Nous suivons le pick-up des rangers ... de nuit ...
Sortie officielle et définitive !
En conclusion:
Tout est bien qui finit bien ...
Nous n'étions pas de vrais criminels et la raison l'a finalement emporté sur la concussion ...
Pour les voyageurs:
Visiter le Parc National de Niokolokoba:
- Il est possible et certainement plus simple de préparer le séjour dans le parc à partir de la base de Tambacounda.
- Certains grands animaux sont observables comme des lions, hippopotames, crocodiles, gazelles, hyènes et avec beaucoup de chance ... des éléphants !

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